Le 16 janvier 2025 souligne les 30 ans de l’arrivée de la boulangerie à Montréal, rue Bernard.
Après 7 ans en Outaouais, d’abord plus de trois
ans grâce aux fondateurs visionnaires Sharon et Rosaire qui ont
imprimé l'âme de la boulangerie. Puis ensuite avec
Chantale, mon associée de l'époque à qui je dois
beaucoup.
L'ensemble de la production était destiné
à la distribution à cette époque. Quelques
mois après notre achat de la boulangerie, notre seul client, le
distributeur de tous nos pains, nous faisait faux bond avec plusieurs
semaines de production non payées. Pour nous, une dette
importante, sans client, il n’y avait plus de revenus. Une
entreprise qui ne valait plus rien mais qu'il fallait faire revivre,
parce qu'on y croyait, parce qu'on n'avait pas d'autre choix.
Le déménagement à Montréal
devenait un quitte ou double. Prendre pignon sur rue pour
rencontrer enfin ceux qui mangent ce
qu’on produit. Pari gagné. Plusieurs
années inspirantes pleines d’encouragement, de
curiosité et d'ouverture, la boulangerie
s’épanouissait.
Mais d'autres épreuves se sont
présentées. Parmi elles, des travaux municipaux
interminables qui ont changé à tout jamais le paysage
d’une rue qui nous avait séduite. Les commerces de
la rue fermaient un après l’autre.
J’ai toujours su que l’offre de Capucine et
Tournesol était audacieuse et marginale et je l’ai
toujours assumé. Ce que je n’ai jamais osé
imaginer, c’est que je deviendrais un des doyens des
commerçants de ce bout de rue.
Traverser les modes alimentaires, le renouvellement des
générations et l’ignorance nutritionnelle actuelle,
certains jours plus de passants entrent et n’achètent rien
que de clients ne se présentent. Cela n’était
pas le cas autrefois.
Aujourd’hui, il y a des files devant un magasin de
beignes à moins de 500 mètres de la boulangerie.
Une nutritionniste vedette faisait il y a quelque temps des recettes de
Crunchies (sucre, eau et bicarbonate de soude) sur Facebook. On
ne l’entend parler que trop rarement de nutrition et ses
collègues non plus. Les nutritionnistes
s’époumonent à légitimer les mauvaises
habitudes alimentaires plus souvent que de proposer des
comportements sains. Promotion de marques, de leurs livres de
recettes ou de producteurs « tendance », voilà ce
qu’ils font. Résultat, le sucre a la cotte.
Les taux d'obésité chez les enfants et les
jeunes du Canada ont presque triplé au cours des 30
dernières années (source Santé Canada). Les
aliments vides sont intégrés à nos habitudes sans
complexe, sans question, sans que ceux dont c’est le rôle
de les contrer ne lèvent jamais de drapeau. Leur
démission est déplorable.
Ce défi n’est pas celui d’un artisan, c’est celui d’un monde.
J’aurai consacré plus de la moitié de ma
vie à cet enjeu et ma plus grande inquiétude est de ne
pas pérenniser la mission de la boulangerie.
Des enjeux de santé diminuent ma vigueur. Ils
m’ont déjà obligé à réduire
mon rythme, cela ne s’inversera pas. Le temps presse pour
trouver une relève mais les candidats sont absents.
J’aimerais néanmoins aujourd’hui vous
exprimer mon immense reconnaissance pour le support que vous
m’avez apporté toutes ces années. Parmi vous,
certains sont fidèles depuis les premiers jours.
Merci,
Philippe